samedi 28 avril 2012

Un temps à boire

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Premier jour d'un "grand" weekend (mardi est férié et je ne travaille pas lundi) vraiment maussade. Avec cette campagne électorale atroce et le temps qui est morose depuis quinze jours j'ai envie d'aller m'acheter une bouteille de bourbon et de me saouler à la redneck (ma foi, une bouteille de Southern Comfort serait la bienvenue, en fait). Je pars à la campagne demain, s'il fait ce temps là ça va être joyeux, tiens.

Je lis du Elmore Leonard, par ces temps, il n'y a rien de mieux qu'un vieux bon polar pour vous vider la tête. Je regarde un excellente série américaine que je connaissais pas : Justified (d'après Elmore Leonard justement), ça se passe chez les hillbillies du comté de Harlan au Kentucky, les acteurs affectent des accents petzouilles à couper au couteau et la musique du générique est un mélange de hip-hop et de country que je n'avais jamais entendu auparavant. L'histoire est noire (et violente à souhait bien sûr, pas pour les âmes sensibles) et tourne autour de rivalités ancestrales de familles du genre O'Timmins et O'Hara (pour ceux qui ont lu Lucky Luke, "Les Rivaux de Painful Gulch").

Le comté de Harlan au Kentucky compte un certain nombre de représentants d'origine mélangée et largement encore inconnue: les Melungeons. Ces gens, dont le nombre n'excéderait pas 200, seraient les descendants d'un mélange d'Européens et d'indigènes américains avec aussi un peu de sang Africain pour faire bonne mesure. Leur isolement dans ces régions reculées du Kentucky, dans une vallée étroite que l'on appelle le "Cumberland Gap" les aurait préservé. Les noms de famille Collins (Irlandais) et Gibson (Anglais) semblent les plus répandus chez les Melungeons.

Certains pensent que les Melungeons seraient les descendants des disparus de Roanoke. Rien ne confirme cette version de l'histoire des Melungeons mais elle est assez jolie pour que je la raconte. En 1584 Sir Walter Raleigh, à qui la reine Elisabeth I avait confié une concession sur les terres de l'Amérique, envoya une expédition de l'autre coté de l'Atlantique pour prendre possession de ses nouvelles terres. Plusieurs expéditions tentèrent de s'installer sur l'Ile de Roanoke mais s'opposèrent régulièrement aux indiens locaux, les Secotans, les Hatteras et les Croatans, qui ne voyaient pas d'un très bon oeil l'arrivée des Européens. Chaque tentative d'implantation fut un échec. En 1587 John White installa une nouvelle tête de pont sur l'île de Roanoke, tout près des côtes de ce qui allait devenir la Caroline du Nord. Les indiens se montrèrent plutôt hostiles d'autant que les précédentes expéditions n'avaient pas su les convaincre des bienfaits de la civilisation européenne, bien au contraire. John White reparti en Angleterre en promettant de revenir vite avec des vivres et des renforts, il laissa 115 colons à Roanoke. Mais John White ne pu revenir avant trois ans à Roanoke à cause de la guerre entre l'Angleterre et l'Espagne. Quand il revint en août 1590, il trouva la colonie déserte, plus aucune trace des 90 hommes, 17 femmes et 11 enfants de la colonie. Tout le village avait été saccagé. Les seules indications qu'on trouva furent le mot "Croatoan" gravé sur un pieu et les lettres "CRO" gravées sur un arbre près du village. En partant trois an plus tôt John White avait dit aux colons de graver une croix de Malte sur un arbre en cas d'attaque, pour le prévenir, mais il ne trouva trace de croix de Malte nulle part. Il en déduit que la colonie était partie sur l'île de Croatoan, non loin, mais il fut obligé de repartir vers l'Angleterre avant d'avoir pu vérifier cette hypothèse. On ne retrouva jamais les disparus de Roanoke et personne ne sût ce qui était arrivé aux 115 colons. Les hypothèses ne manquèrent pas. La plus vraisemblable, puisqu'on n'avait retrouvé aucun corps ni squelettes, était que les colons avaient été enlevés par les indiens, les Croatans et les Hatteras et assimilés aux populations indiennes locales qui étaient nombreuses. Certains essayèrent de relier les Melungeons, aux origines mêlées et obscures, aux colons disparus de Roanoke, supposant qu'ils seraient les descendants des habitants de la colonie perdue. Jusqu'à aujourd'hui aucune preuve scientifique n'est venue étayer cette hypothèse.