lundi 5 novembre 2007

automne et réminiscences

'tis autumn
(c'est l'automne à Paris)

Beau temps bleu frais.

Ça serait bien quand même que je dorme dans des plages horaires compatibles avec l'activité humaine courante. Depuis que je suis rentré des USA, je dors le matin mais pas la nuit, si bien que cette nuit insomnie totale et comme je devais me lever pour aller à la base secrète eh bien je n'ai quasiment pas dormis. Curieusement je suis quand même frais et alerte, quoique pas exactement comme d'habitude.

A midi je sors faire des photos dans le quartier. Je passe dans le cimetière du Montparnasse et je fais la connaissance de la tombe de Tristan Tzara et de celle de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Sans les chercher. Au bout de 15 minutes l'ambiance funéraire commence à me porter sur les nerfs, les chrysanthèmes abondants me rappellent le cimetière de Chinon où git une partie de ma famille, et les Toussaint de mon adolescence, tristes et froides. Novembre est un mois déprimant, on est passé à l'heure d'hiver, il fait nuit tôt, les jolies feuilles d'automne tombent et pourrissent, et voilà qu'il fait froid et humide malgré le beau temps. Pas d'images rue Albert Quinet, j'ai perdu l'oeil à me balader dans ce cimetière. A chaque fois que je passe au carrefour Edgar Quinet, Gaieté, Delambre etc. je pense à deux références littéraires : le roman de Fred Vargas "Pars vite et reviens tard" : c'est le centre du roman, là où Joss Le Guern, le Crieur, reçoit des annonces à crier en latin annonçant "un fléau venu du fond des âges"; je pense aussi au héros de la nouvelle de Sartre "Erostrate" qui loue "un sixième" dans la rue Delambre et qui projette de tuer des gens au hasard (à tout prendre je préfère le roman de Vargas à la nouvelle de Sartre, franchement immonde).

on the street
(près de Montparnasse)

Il me revient en tête les formalités de notre arrivée en Amérique : on passe toujours à l'immigration, moment de légère tension, mais en plus maintenant on vous y prend les empreintes des deux index (grâce à une machine électronique, pas d'encre, heureusement) et on vous prend en photo. J'imagine la base de donnée phénoménale que le département de la sécurité de la patrie (Department of Homeland Security) est en train de se constituer, mais à quelle fin? Comment trier une base d'une telle taille? Que faire de toutes ces empreintes d'index du monde entier, de toutes ces mines jetlaggées? Il m'est venu à l'idée que c'était un leurre tout ça, qu'il n'y avait pas de photos de prises et pas d'empreintes, qu'ils faisaient semblant pour intimider les malfaisants au cas où ils leur viendraient à l'idée de débarquer l'air dégagé à la salle des arrivées internationales à JFK. En tous cas le fonctionnaire à qui j'ai eu affaire l'autre jour a été on ne peut plus aimable, s'efforçant même de parler français — fort mal parce que je ne comprenais rien à ce qu'il me disait, au point qu'il m'a même demandé en anglais si j'étais bien sûr de comprendre ma langue maternelle, le pauvre. Je crois que passer l'Immigration a quelque chose du rite initiatique, comme l'absurde papier vert qu'on nous demande de remplir, sur lequel on vous demande si vous n'avez pas été, par hasard, malgré votre âge apparent, un criminel de guerre nazi. C'est comme si rentrer aux Etats Unis ne pouvait pas se passer sans ce petit bizutage bien innocent. L'Amérique ça se mérite!